A l’heure où se libère la parole des victimes de pédocriminels, « Le miel et l’amertume » de Tahar Ben Jelloun est pleinement d’actualité. Le nouveau roman de l’auteur
franco-marocain se déroule en 2000 à Tanger. Inspiré d’un fait réel, il raconte l’histoire tragique de Samia, une jeune fille de seize ans violée par un prédateur sexuel et qui finira par se suicider. Ce dernier attire ses proies dans ses filets en leur faisant miroiter la publication de leurs poèmes dans son journal. Il agit en toute impunité sans éveiller le moindre soupçon. Suite à l’agression sexuelle, Samia a honte et n’ose pas se confier à ses parents. Cependant, elle va consigner son terrible secret dans son journal intime, qu’ils découvriront bien après son suicide.

Le récit montre qu’un viol fait plusieurs victimes. La personne violée bien sûr, mais aussi sa famille. En l’occurrence, le couple formé par les parents de Samia va être complètement déstructuré. Leur culpabilité va se transformer en haine réciproque. Le couple baigne dans la culture arabo-musulmane où il y a des choses dont on ne parle pas, par pudeur ou par honte. Cette impossibilité de communiquer entraînera la destruction de leur relation. Leur couple deviendra « une monstruosité » selon les termes de Malika, la mère. Cette descente aux enfers des uns et des autres est finement analysée par Ben Jelloun.
Roman choral, l’ouvrage donne la voix aux différents protagonistes, à Samia, à Malika, à Mourad le père, à Adam le frère, à Moncef la sœur mais aussi à Viad, un jeune immigré africain qui prendra soin du couple moribond.
Autre dimension passionnante de l’ouvrage : la radioscopie du Maroc dont Tahar Ben Jelloun pointe les grands fléaux comme la corruption, l’islamisation ou encore l’abandon de l’éducation et du système de santé.

Un drame familial sombre et poignant porté par l’écriture fluide et limpide de son auteur!